A la recherche du sens dans la collection
Après plusieurs années à collectionner, une certaine routine peut parfois s’installer. C’est l’un des travers du collectionneur et cela peut l’amener à lui faire perdre de vue son objectif, son envie ou sa philosophie de départ. Au fur et à mesure des mois, des années, des « side PC » diverses peuvent se greffer à la collection de départ. L’achat se fait plus compulsif, les recherches s’élargissent de plus en plus.
Mais le nerf de la guerre, le budget, peut faire atterrir, selon les conditions (comme un avion), plus ou moins avec douceur… Un recentrage (ou refocus 😉) peut alors s’imposer : « mais quel est le sens de ma collection après tout ? »
Le sens dans la collection, c’est d’abord une chose égoïste, quel sens pour moi ?
En tant que collectionneur depuis une trentaine d’années (1e fois que j’écris ça, ça fait mal ☹), je voulais relever plusieurs de mes observations, de ce qui semble faire sens pour mes consœurs et confrères collectionneurs et je vais m’appliquer à essayer de trouver dans un premier temps ce qui fait sens pour le collectionneur lui-même.
Une des séquences desquelles on peut être témoin en parcourant les fils de discussion, c’est « J’ai envie de collectionner, comment je fais pour commencer ? », eh bien en cherchant du sens ! Ce qu’il faut retenir ici, c’est que certaines personnes y viennent pour la forme, elles apprécient l’acte de collectionner, mais peut-être ont-elles encore du mal à prendre la dimension du fond et pourraient bénéficier d’une période de réflexion ou introspection, donc d’une démarche individuelle, personnelle plus grande. Les conseils prodigués à ce type de question sont souvent de cet ordre :
- Commence par une équipe, tu verras tout type de carte, d’époque, il y en aura pour tout type de bourse, tu trouveras facilement. Le risque est quadruple :
- c’est la porte ouverte à ce que certains collectionneurs peu scrupuleux écoulent facilement les cartes encombrant leur tradelist depuis longtemps.
- Se perdre facilement et revenir à la question de départ de recherche de sens.
- Impossibilité d’être complétiste, il faut impérativement choisir (focus) ses combats, ses préférences, et on revient à une question de sens à donner.
- On voit facilement le sens donné à la collection, si on est fan exclusif d’une équipe, cela semble être la voie toute tracée. De mon côté, n’étant pas américain, j’ai beaucoup de mal à m’identifier sur la durée à une équipe en basket (c’est rigolo, parce qu’en foot, j’y arrive très bien avec l’équipe de ma ville d’origine).
- Fais un joueur qui te plait :
- Cela me semble déjà plus raisonnable car plus restrictif, quoiqu’aujourd’hui, cela ouvre considérablement l’horizon, étant donné la profusion des collections.
- Le risque : on peut plus facilement se lasser d’un joueur, les typologies de cartes peuvent être assez restrictives. Mon joueur par exemple est très axé 90s, avec tous les avantages (superbes séries) et les inconvénients qui vont avec (prix élevés)
- Ici, le sens est vite trouvé, on peut s’identifier au joueur, prendre plaisir à creuser les actualités de celui-ci et approfondir beaucoup plus la collection, par définition, que lorsqu’on collectionne une équipe.
- Quid de la collection après l’arrêt de la carrière du joueur ? Je souhaite ici partager mon expérience. Mon joueur a arrêté en 2004, et j’ai connu un gros passage à vide avec revente partielle de cette collection en 2005, il semble évident qu’une problématique de sens était à l’origine de ce trou d’air.
Exemple de mes deux fils Instagram, les cartes qui font sens pour moi. @sky_btc / @la_refractor_francaise
- Focalise toi sur une catégorie de cartes :
- Pour certains collectionneurs, certaines cartes revêtent un sens plus fort, je pense aux autographes (il suffit de voir le succès du TTM (autographes glanés par correspondance, en envoyant une lettre à la personne visée en lui demandant son autographe)), ou aux jerseys/patches en tout genre. La connexion avec l’athlète semble fortement porteuse de sens pour le collectionneur. Et cet aspect « physique » (l’athlète a eu un contact avec le support) plait beaucoup. Pour appuyer cet argument, il suffit de voir l’importance donnée aux autographes « on card » ou aux jerseys « game worn », quoique cela peut être remis en cause, on y reviendra plus tard.
- Un set complet : cela pourrait être le premier réflexe (ça l’a longtemps été dans le passé), mais la complexité aujourd’hui de trouver toutes les cartes d’un set, et le peu d’intérêt/de variété fait que ce type de collection est tombé en désuétude. Peut-être parce que le sens de cette collection était à attribuer à un côté « encyclopédique » qui donnait accès à une multitude d’informations sur les joueurs/équipes/stats. Avec l’évolution de l’accès à l’information, l’intérêt est fortement retombé. C’est peut-être la raison pour laquelle ce mode de collection plait encore aux enfants (qui normalement ont moins accès à l’information que les adultes) qui y voient la manière souvent la plus simple pour eux d’accéder à l’information.
- Vient ensuite la phrase ultime : « je collectionne les cartes qui me plaisent »
- On distingue ici clairement que la personne souhaite donner du sens à sa collection. Elle peine à en dessiner les contours et par simplicité (ou flemme ? 😉) elle va résumer ceci à « cartes qui me plaisent ».
- Le sens est ainsi donné au coup par coup, mais par définition cela ne facilite pas la tâche du collectionneur en face lors d’échanges/transactions.
Du sens, oui, mais quel sens pour autrui (les autres quoi) ?
Mais collectionner, amasser des cartes, ce n’est qu’une partie du hobby, ce qui compte aussi, c’est le contact avec les autres – il suffit de voir la résurgence et le succès actuel des bourses, des « card shows » ou plus simplement des groupes en tous genres. Ils favorisent les échanges (IRL ou virtuels) et au travers de ce contact, permettent au collectionneur d’exprimer son identité propre, qui est une facette non négligeable du parcours de chaque individu dans le hobby. Alors, la collection de cartes, quel sens cela a pour les autres ?
- Les premières personnes auprès desquelles on va chercher à s’exprimer et donc chercher à ce que notre collection fasse sens, ce sont ce qu’on appelle nos pairs : les autres collectionneurs. Auprès d’eux, on cherche à être reconnu comme le mec qui fait tel joueur (tiens tu sais le type qui fait Derek Jeter 😉 lui , telle équipe (ah oui, lui il collectionne les Rockets). Et ainsi, on cherche parfois à avoir la meilleure carte qui nous est accessible.
- Pour chercher ce sens, on va avoir recours à certains critères, par exemple, les cartes numérotées uniquement, les patches, les autos, on en a déjà parlé
- On cherche gà donner du sens à sa collection en se rapprochant un peu de son joueur, par exemple en ne le collectionnant que pendant ses années carrière, ou même carrément pendant certaines années précises.
- Certains collectionneurs vont plus loin, en cherchant uniquement la première ou la dernière carte d’un type :
- Premier patch/auto
- Première ou dernière carte du print run (carte numérotée 1/xx ou 99/99 par exemple), ou carte avec le numéro du joueur (jersey number).
- Dans cette recherche de validation par ses pairs, on peut relever certains exemples un peu extrêmes, je pense à @spinotron sur les réseaux, qui cherche souvent des justifications tirées par les cheveux pour trouver une importance à telle ou telle carte de sa collection.
Spinotron reste un ovni dans le paysage du hobby. Avide de posts très longs et détaillés avec souvent des arguments à se faire des nœuds au cerveau. A noter, son influence, assez grande pour qu’il existe un compte parodique : @spinofion
- Après plusieurs années de collection (ou alors parce qu’on vieillit peut-être aussi, je ne sais pas 😊), on va avoir tendance à tenter de donner plus de rationalité à sa collection, l’idée de fond étant de trouver une certaine pérennité, durabilité, et donc rationalité à sa collection. L’objectif étant finalement d’inscrire cette signification, ce sens dans le temps. Et puis, parce que les gens qui nous entourent au quotidien sont rarement tous des pairs, il est important de réussir à donner du sens à sa collection pour son entourage.
- Cela passe souvent dans un premier temps par donner un sens au niveau financier . Aujourd’hui, si l’on a une famille, des personnes qui dépendent de nous ou simplement qu’on cherche un minimum à ne pas prendre de risque démesuré financièrement, il peut être judicieux de réfléchir ses achats avec en vue une potentielle revente (même si elle sera très tardive).
Est-ce plus intéressant de dépenser 300EUR sur des commons ou même sur un break, plutôt que sur des cartes avec une valeur bien établie. Je prends mon cas, je collectionne un joueur qui a arrêté de jouer il y a 20 ans. La valeur de ses cartes ne bouge que très peu. Si je pense à la revente, il sera plus facile de revendre une carte à 100, 300 ou 1000EUR qu’une centaine voir 200 cartes dont le total arrive à ce montant. Quant au break, si l’on adopte la vision que j’expose, je pense que la question, elle est vite répondue 😉. Autant jouer au loto !
Alors, vous êtes plutôt quel style ?
- Mais alors, est-ce qu’il ne faut pas simplement intéresser ses proches à sa collection ?
Oui, c’est évidemment l’idéal, mais c’est un pari pas gagné et à double tranchant. Bien sur, il suffit de voir sur les bourses le nombre de papas se promenant avec leurs enfants eux aussi intéressé par l’univers. Mais chacun étant différent, ce n’est pas souvent possible et certains enfants ont même tendance à plutôt se positionner en opposition par rapport aux points d’intérêt de leurs parents.
Plus sérieusement, et même en commençant par les personnes reliées directement avec soi-même au niveau financier (partenaire, enfants en âge de comprendre les implications, parents éventuellement), je pense que la première chose à faire, même s’ils ne sont pas intéressés par la collection, c’est qu’il aient la mesure de la valeur de celle-ci. Que ce sont des objets de collection, qu’ils peuvent avoir une valeur même si elle peut être modeste, mais en tous cas sentimentale pour la personne pendant son existence, et finalement financière si la décision est prise de s’en séparer. Enfin, ils doivent comprendre que ces objets, comme beaucoup d’autres de collection, portent un sens pour tout un écosystème et pour toute une catégorie de population.
En conclusion, on peut dire que la recherche de sens, c’est un axe central d’une démarche de collection. Finalement, il n’est pas seulement question d’accumuler compulsivement, mais plutôt d’une démarche qui reste au départ personnelle. Elle va évoluer au fil du temps, des rencontres et des choix de chacun. Que ce soit pour soi, pour ses pairs ou pour son entourage, chaque collection incarne un fragment de l’identité du collectionneur, et lui permet parallèlement de se connecter aux autres. Personnellement, je peux dire que j’ai un groupe d’ami grâce à la collection. En fin de compte, donner du sens à sa collection, c’est chercher une harmonie entre la passion, l’émotion et parfois la raison, pour que cette activité reste une source d’épanouissement et de satisfaction durable, porteuse de sens.
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